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qu’ils deviennent de pierre. » Hélas, il faut être en lambeaux pour mieux mourir.

J’entends la pluie soudaine qui ruisselle sur les toits, elle gicle dans la cheminée, c’est une bataille avec la montagne, les sapins se tordent dans le vent.

Je ne peux pas dormir, le noir est peuplé de fantômes.

Horreur de l’oreiller où s’enfonce le chagrin, il s’amollit dans la toile et la plume, on suffoque. Puis, les rêves, ils passent, cavalcade bruyante sous les paupières qui brûlent.

Et cette effroyable douceur, cette effroyable fantaisie qui fait que l’on rêve à du bonheur, à son amie retrouvée, si douce et qui est là, couchée près de vous, dans le même lit, on la touche presque, on l’aime. Ah ! ces réveils.

« Il apprenait son malheur ».

Demain matin, il faudra rééduquer ma nouvelle âme, lui apprendre que j’ai reçu la lettre enfin, que cette lettre ne m’a apporté que de la cendre, et que je suis seul, sans amour, avec une poitrine percée qui saigne, des mains vides, un cœur si déchiré qu’il existe à peine.

Voilà, demain, ce qu’il faudra savoir de nouveau. Rééduquer mon âme vers cette douleur qui me courbe ; j’aimerais marcher en deux, ployé, afin d’abriter mon cœur et qu’il saigne moins peut-être.

Il faut oublier ma douleur, puis la réapprendre, puis vivre avec elle. M’y faire, puisqu’elle est maintenant à la place de Germaine, la compagne de ma vie tout entière.


Autres notes quelques jours après

Guérir de toi, Germaine.

Quel rêve et quelle démence.