Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/60

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Je suis étouffé dans ton étreinte, je meurs doucement au gré des jours et je revis au gré des jours dans une aube de caresse où se perd mon enfance, comme le petit ruisseau qui entraîne la barque jusqu’à l’océan. Ma chérie, je sais maintenant que rien n’existe, sauf l’amour absolu, sauf le malheur d’aimer, sauf le bonheur d’aimer.

Il n’y a pas de légèreté ni d’audace qui tienne à l’amour. Il n’y a pas à lutter contre l’amour, car son ombre grandit, grandit, se superpose à l’ombre de l’homme qui tente une impossible évasion et bientôt l’homme, malgré sa fuite, n’est plus devancé par son ombre, mais bien par celle, immense et qui s’allonge, de son amour méconnu.

Ainsi Germaine, je marche dans le clair obscur de ton corps, dans ton contour, là, juste, où la lumière dessine et arrête tes épaules et tes hanches, et tes jambes fines et ta tête douce, dont j’ai le poids sur ma poitrine, comme doit l’avoir une femme qui porte son enfant. Les pays nous séparent. Mais rien n’importe pour ceux qui s’aiment : mieux que les pays, ton indifférence nous sépare et ton abandon où je suis si noyé que j’en ai le vertige. J’oublie mon nom, tout ce qui n’est pas uniquement toi, Germaine.

Ton enfant perdu cherche la main qui l’a perdu dans ce désert nouveau qu’est une vie, où ton visage n’est plus.

Ô Germaine, prolongeras-tu longtemps ce cauchemar qui renaît, qui s’oublie, qui alterne et recommence selon le ciel, selon le vent, les paysages aperçus, selon les mots, les livres et les sommeils. Les rêves m’emparent.

Au réveil, il faut vivre.

À travers la nature, je vais, cherchant un répit que je n’ai plus, car j’ai perdu la clef des choses. Les herbes, les champs, les oiseaux, les fumées, les signaux du soir, la lune, les lumières dans les