Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/68

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— « Non, pas encore, mais cette rue ne mène pas qu’à vous. »

— « C’est juste. Autrefois, elle vous y menait souvent.

Déjà, Daniel s’exaspérait.

Comment, Germaine, Germaine vivante, là, devant lui, avec son terrible visage fardé, ses lèvres impudentes, ses yeux inquisiteurs et toute cette trouble atmosphère qu’elle dégageait toujours, malgré le tailleur simple et l’allure élégante ; que le miracle soit si las, si poussiéreux, si vite arrivé en pleine rue.

Ils se regardèrent de près, en ennemis.

On sentait, pour un peu, qu’elle lui aurait dit, reprenant ses habitudes autoritaires : « Mettez-vous donc en plein jour, que je vous voie ».

Lui, la trouvait changée soudain, c’est-à-dire qu’elle était déjà différente du rêve. Elle-même, et non l’amante qu’il s’était inventée sur son modèle et il lui en voulait.

« Elle a vieilli, songeait-il, de mon temps elle n’avait pas cet air fatigué, morbide, je lui allais mieux que Venise, sans doute Jérôme l’épuise. » Il eut un frisson de dégoût. « Elle chipait à ma jeunesse l’éclat de la sienne, maintenant elle retombe, tant pis ».

La surprise, le malaise d’être si subitement face à face, les rendaient d’une banalité navrante.

— « Vous restez à Paris ? dit Daniel.

— « Non, je repars.

— « Où donc ?

— « Venise.

— « Toujours ?

— « Toujours.

— « Je vous ai du reste écrit, dit-elle. Pourquoi ne répondez-vous plus ? »

— « Chacun son tour.

— « C’est vrai. Elle rit.