Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/76

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— « Et Jérôme ? »

— « Jérôme ? Il est aux Indes. Tu n’as donc jamais compris que mon mari est le seul être avec lequel je ne puis pas vivre… et cependant, je l’adore. Au fond, ce que j’aime en lui, ce sont ses lettres, et justement il ne m’écrit plus, nous sommes un drôle de couple, tu sais, je l’ai envoyé là-bas, maintenant, je m’ennuie toute seule.

Ah, si tu m’avais répondu il y a deux mois, nous aurions fait un beau voyage et je t’aurais rendu heureux, mais tu ne m’aimes plus. »

— « Si, dit Daniel, vous seule en dépit de tout. C’est même assommant, vous me hantez, votre mort seule me délivrerait. » Elle rit. « Quant à vos lettres, je vous jure, Germaine, n’en avoir reçu aucune. »

— « Tu mens, je t’ai écrit trois fois. »

— « Je vous crois, mais j’ai voyagé beaucoup et, par une malchance incroyable, elles se sont perdues. »

— « Tes maîtresses te les ont prises. Il paraît que tu en as eu plusieurs. Ce don juanisme te va mal et tu as l’air de te forcer. »

— « Naturellement je me force, pour vous oublier. Si vous saviez, Germaine, comme j’ai été malheureux depuis votre abandon. »

— « Pauvre chéri. T’ai-je réellement abandonné. C’est la faute de Jérôme. Mais aussi, tu étais bien agaçant avec tes lettres. J’en recevais quelque fois deux par jour. »

Daniel compatit sincèrement à l’ennui de Germaine et tout cela lui paraît beaucoup moins grave qu’il ne le crut.

— « Mais, à cette époque-là, tu avais un caractère ! »

— « C’est vrai, j’ai beaucoup changé, vous savez. »

— « Grâce à moi, tes maîtresses devraient me remercier, car tu étais un amant odieux. »