Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— « Mes maîtresses ? j’en ai une, Germaine. ».

— « C’est de trop, insolent. Épouse-la, je suis ta seule maîtresse parce que tu es à la fois mon enfant et que je t’aime. Oui je t’aime, Daniel. Viens près de moi… »

Mais Daniel prudemment s’écarte.

— « On ne me reprend pas. »

— « C’est vrai, dit-elle feignant de ne pas comprendre. Tu es à moi. »


Daniel revoit Germaine.

L’appartement des Champs-Élysées n’a plus de secret pour lui. Il serait le maître s’il voulait, le hasard fait qu’il n’y tient plus. Il se méfie. Il craint la souffrance. Oui, Germaine est tout ce qu’il aime. Oui, leur passé est son éternelle réserve poétique. Oui, elle seule le comprend, mais…

Tout a son temps peut-être et surtout on ne peut pas recommencer à vivre. Il le sait amèrement, lui qui a laissé toute la fraîcheur de son cœur aux mains cruelles de cette femme. On ne peut pas non plus recommencer à souffrir. Elle l’a dépouillé, au temps où elle ne s’en souciait guère, de toutes ses illusions sur l’amour.

« Le monde vous matera et vous perdrez cette belle audace. Vous renoncerez successivement à tout, vous deviendrez comme les autres, comme Jérôme, comme moi et puis vous désirerez faire mal à votre tour », lui disait-elle au début de leur liaison. Daniel se croyait invulnérable. Il méprisait cette facilité, cette bassesse… Comme il y est vite venu.

Ils parlent continuellement de leur amour.

— « Si j’avais su, dit Germaine, un amour, comme le vôtre, mon Daniel, méritait qu’on quitte tout pour le suivre. Il était la jeunesse même. Il était la vie que j’ai toujours cherchée. Mais je ne pouvais y croire. Jérôme m’avait em-