Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/81

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Traditionnels et passionnés, ils se moquent bien d’être à leur tour si banals, amants égoïstes, ils cherchent leur unique bonheur. Daniel est transformé. Cet amour partagé donne à son visage une expression de confiance heureuse, qui le rend méconnaissable.

Il continue cependant à voir Germaine qui niant, par toute son attitude, la funeste sincérité de l’autre soir, recommence à parader. Et combien Daniel ainsi la préfère. Elle lui rappelle au moins celle qu’elle n’a pas été, mais qu’il aima et ils se jouent, avec grand talent, une comédie mutuelle. Daniel, par cabotinage naturel chez un très jeune garçon qui se sent aimé par deux femmes, entretient en celle-ci l’espérance.

— « Je suis forcé de partir avec ma famille, dit-il, mais pourquoi ne pas nous rejoindre en Italie par exemple, dans quelques semaines. Nous irons à Venise notre ancien rêve. Ah ! Germaine, il ne faut pas avant redevenir amants, mais là-bas, dans cet enchantement des eaux et ce silence, quelle volupté de se retrouver les mêmes. »

Elle seconde son imagination parce que, maintenant, ils se ressemblent en effet et se comprennent merveilleusement. Et puis, morbide en son évocation de choses que l’on sait impossible, ce jeu lui plaît en même temps qu’elle en souffre.

— « Je viendrai par Milan, dit-elle, où pourrais-tu me rejoindre pour que nous allions ensemble à Venise. Aux lacs ? À Côme, on m’a proposé une maison. Elle est entourée de cyprès et de roses avec une pergola et un mur rose. Le toit est en terrasse. On y voit tout le lac et les montagnes. La nuit, nous y mettrions des matelas si tu veux, ces petits matelas cambodgiens où l’on est à l’étroit ainsi que dans une gondole, des fourrures, et puisque tu aimes l’opium, pourrions-nous sous les étoiles… Là, tu travaillerais,