Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/239

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ainsi aux vexations continuelles des soldats espagnols. Il s’y trouvait aussi beaucoup d’ecclésiastiques, Malines étant la métropole des Pays-Bas.

La douairière et sa nièce demeurèrent dans cette ville pendant près de deux mois sans ressentir l’atteinte des fléaux qui désolaient tout le reste du pays. Leur vie était uniforme et tranquille : elles consacraient, comme de coutume, les premières heures de la journée à la prière et à des actes de religion ; puis elles s’entretenaient de leurs souvenirs, jusqu’à l’instant du repas ; la baronne ne laissait passer aucun jour sans reprendre l’éternel récit des fêtes de Charles-Quint, auxquelles elle faisait succéder ses lamentations sur le malheur de l’époque actuelle. Quoique fidèle à ses doctrines monarchiques et intolérantes, elle avait perdu en grande partie son admiration pour les Espagnols et son respect pour leurs juges ; elle croyait même que la tâche de la rébellion n’était point ineffaçable et ne manquait jamais de citer l’exemple de Louis de Winchestre, qui de capitaine des gueux de mer était devenu, selon elle, le favori du duc d’Albe et le meilleur royaliste du monde. Après le dîner, pendant lequel l’absence de l’aumônier de la douairière était régulièrement déplorée, la promenade, ou quelques visites, conduisaient les deux dames jusqu’au soir, et la nuit leur offrait en songe quelque scène de leurs malheurs passés. Marguerite croyait se retrouver avec son amant dans l’allée solitaire où il lui avait renouvelé le serment de vivre pour elle ; sa tante revoyait l’in-