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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/93

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LE GUEUX DE MER

Quelques moments après il se redressa ; ses joues, ordinairement pâles, étaient couvertes d’une vive rougeur, ses yeux brillaient d’un éclat singulier et la joie se peignait sur toute sa figure. — Tout va bien, dit-il au prince d’Orange. Maintenant, pilote, à tribord !

Le navire, obéissant au gouvernail, tourna, et présenta le travers au vaisseau du duc de Médina-Cœli, que les Zélandais canonnèrent alors avec la plus grande vivacité, tandis qu’il ne pouvait répondre qu’avec les deux pièces de chasse placées à l’avant.

Pour obvier au désavantage qu’une pareille situation lui donnait, don Juan de la Cerda ordonna de virer. À ce commandement, son pilote, qui était de l’Écluse, pâlit : — Seigneur, s’écria-t-il, il serait bien dangereux de nous mettre en travers dans le passage où nous sommes engagés.

— Es-tu donc aussi d’intelligence avec les rebelles ? lui répondit le capitaine de vaisseau ; meurs, traître, meurs !

En parlant ainsi l’Espagnol porta trois coups de poignard à ce malheureux, dont le cadavre roula dans la mer. Un pilote biscayen lui succéda et changea la direction de la barre, tandis que cent matelots faisaient tourner péniblement les vergues immenses. Le navire obéit enfin, et présente aux ennemis ses flancs hérissés de canons. Déjà les pièces sont pointées, la foudre gronde, elle va éclater… Tout à coup une secousse effroyable fait reculer le bâtiment ; les mâts gémissent, les cordes se rompent,