Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les armes tombent des mains des matelots : la proue avait touché et la carène était ouverte.

Un moment cette masse énorme resta immobile et en équilibre sur le banc de sable qui l’avait arrêtée ; mais bientôt le vent qui s’engouffrait avec violence dans ses voiles la fait chanceler. Elle s’ébranle, se soulève, retombe, et, se penchant sur le côté, plonge un de ses flancs presque tout entier dans la mer

Ewout Pietersen Worst contemplait d’un œil tranquille ce spectacle effrayant. — À présent, dit-il au prince d’Orange, ils ont fermé eux-mêmes le seul passage qui leur restât. Entourés de bas-fonds dont ils ne peuvent se dégager, tous ces vaisseaux toucheront quand la marée baissera… Vous voyez, Claas Claassens, que j’ai rempli ma promesse… Il s’arrêta un moment, et reprit d’une voix plus faible : Ma tâche est accomplie. Je désire que Baudouin Ewoutsen me succède… Mon lieutenant prendra en attendant le commandement du navire… Amis ! continuez à servir glorieusement la patrie… Noble Guillaume, veillez toujours sur elle !

Il n’en dit pas davantage : ses joues devinrent pâles, ses yeux s’éteignirent et il tomba. Sa main avait lâché sa capote de matelot ; elle s’ouvrit dans sa chute, et l’on vit sa poitrine ensanglantée : car dès le commencement de l’action il avait été blessé mortellement, et son âme généreuse semblait n’avoir attendu pour s’exhaler que le moment de la victoire.