Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/121

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abreuver un cheval, c’est alors que vous connoîtrez ce que je sais faire.

Valère

Ce n’est pas cela ; c’est qu’il faut que tu contrefasses le médecin.

Sganarelle

Moi, médecin, monsieur ! Je suis prêt à faire tout ce qu’il vous plaira ; mais, pour faire le médecin, je suis assez votre serviteur pour n’en rien faire du tout ; et par quel bout m’y prendre, bon Dieu ? Ma foi, monsieur, vous vous moquez de moi.

Valère

Si tu veux entreprendre cela, va, je te donnerai dix pistoles.

Sganarelle

Ah ! pour dix pistoles, je ne dis pas que je ne sois médecin ; car, voyez-vous bien, monsieur, je n’ai pas l’esprit tant, tant subtil, pour vous dire la vérité. Mais, quand je serai médecin, où irai-je ?

Valère

Chez le bon homme Gorgibus, voir sa fille qui est malade ; mais tu es un lourdaud qui, au lieu de bien faire, pourrois bien…

Sganarelle

Hé ! mon Dieu, monsieur, ne soyez point en peine ; je vous réponds que je ferai aussi bien mourir une personne qu’aucun médecin qui soit dans la ville. On dit un proverbe, d’ordinaire : après la mort le médecin ; mais vous verrez que, si je m’en mêle, on dira : après le médecin gare la mort ! Mais, néanmoins, quand je songe, cela est bien difficile de faire le médecin ; et si je ne fais rien qui vaille ?

Valère

Il n’y a rien de si facile en cette rencontre ; Gorgibus est un homme simple, grossier, qui se laissera étourdir de ton discours, pourvu que tu parles d’Hippocrate et de Galien, et que tu sois un peu effronté.

Sganarelle

C’est-à-dire qu’il lui faudra parler philosophie, mathématique. Laissez-moi faire, s’il est un homme facile, comme vous le dites, je vous réponds de tout ; venez seulement me