Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Pandolfe

D’où peut donc provenir ce bizarre transport ?

Anselme

Dites-moi de bien loin quel sujet vous amène.
Si pour me dire adieu vous prenez tant de peine,
C’est trop de courtoisie, et véritablement
Je me serais passé de votre compliment.
Si votre âme est en peine, et cherche des prières,
Las ! je vous en promets ; et ne m’effrayez guères !
Foi d’homme épouvanté, je vais faire à l’instant
Prier tant Dieu pour vous que vous serez content.
Disparaissez donc, je vous prie,
Et que le ciel, par sa bonté,
Comble de joie et de santé
Votre défunte seigneurie !

Pandolfe, riant


Malgré tout mon dépit, il m’y faut prendre part.

Anselme

Las ! pour un trépassé vous êtes bien gaillard.

Pandolfe

Est-ce jeu, dites-nous, ou bien si c’est folie,
Qui traite de défunt une personne en vie ?

Anselme

Hélas ! vous êtes mort, et je viens de vous voir.

Pandolfe

Quoi ! j’aurais trépassé sans m’en apercevoir ?

Anselme

Sitôt que Mascarille en a dit la nouvelle,
J’en ai senti dans l’âme une douleur mortelle.

Pandolfe

Mais, enfin, dormez-vous ? êtes-vous éveillé ?
Me connaissez-vous pas ?

Anselme

xxxxxxxxxxxxxxxx Vous êtes habillé
D’un corps aérien qui contrefait le vôtre,
Mais qui dans un moment peut devenir tout autre.
Je crains fort de vous voir comme un géant grandir,
Et tout votre visage affreusement laidir.
Pour Dieu ! ne prenez point de vilaine figure ;
J’ai prou de ma frayeur en cette conjoncture.