Voici notre rival, qui ne sait pas la pièce.
Scène 4
Arrêtez-vous, Léandre, et souffrez un discours
Qui cherche le repos et l’honneur de vos jours.
Je ne vous parle point en père de ma fille,
En homme intéressé pour ma propre famille,
Mais comme votre père, ému pour votre bien,
Sans vouloir vous flatter et vous déguiser rien ;
Bref, comme je voudrais, d’une âme franche et pure,
Que l’on fît à mon sang en pareille aventure.
Savez-vous de quel oeil chacun voit cet amour,
Qui dedans une nuit vient d’éclater au jour ?
À combien de discours et de traits de risée
Votre entreprise d’hier est partout exposée ?
Quel jugement on fait du choix capricieux
Qui pour femme, dit-on, vous désigne en ces lieux
Un rebut de l’Egypte, une fille coureuse,
De qui le noble emploi n’est qu’un métier de gueuse ?
J’en ai rougi pour vous encor plus que pour moi,
Qui me trouve compris dans l’éclat que je voi :
Moi, dis-je, dont la fille, à vos ardeurs promise,
Ne peut, sans quelque affront, souffrir qu’on la méprise.
Ah ! Léandre, sortez de cet abaissement !
Ouvrez un peu les yeux sur votre aveuglement.
Si notre esprit n’est pas sage à toutes les heures,
Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures.
Quand on ne prend en dot que la seule beauté,
Le remords est bien près de la solennité ;
Et la plus belle femme a très peu de défense
Contre cette tiédeur qui suit la jouissance.
Je vous le dis encor, ces bouillants mouvements,
Ces ardeurs de jeunesse et ces emportements,
Nous font trouver d’abord quelques nuits agréables ;
Mais ces félicités ne sont guères durables,
Et, notre passion alentissant son cours,
Après ces bonnes nuits donnent de mauvais jours ;