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DU THÉÂTRE EN FRANCE

primitivement dans les églises, puis sur le parvis, fut ensuite transporté dans les cimetières, dans les rues, dans les carrefours. La représentation était annoncée à cri public, comme les ordonnances royales ou municipales ; et dans ce monde féodal où régnait partout l’inégalité, les distinctions sociales étaient sévèrement maintenues parmi les assistants. Les nobles, les magistrats, les officiers royaux se plaçaient sur des estrades ; les petits bourgeois et le menu peuple se rangeaient sur le pavé, les hommes à droite, les femmes à gauche, comme à l’église. Le clergé, pour ne point déranger le spectacle, changeait l’heure des offices, et comme les populations tout entières assistaient aux représentations, des gardiens en armes veillaient à la sûreté des rues désertes.

La grandeur des théâtres dut nécessairement varier selon le nombre des acteurs, et lorsqu’on ne jouait encore que des drames épisodiques, ils étaient moins vastes qu’au moment où parurent les grands drames de la Passion et des Actes des Apôtres. D’abord ils se composèrent de deux ou de trois étages superposés, représentant le paradis, la terre, le purgatoire ; puis ces étages se subdivisèrent en une foule de compartiments qui figuraient les lieux dans lesquels devaient se passer les diverses scènes de l’action principale, D’après cela on peut croire que les décorations étaient de deux sortes, « les unes peintes, comme aujourd’hui, et formant les diverses cloisons des compartiments scéniques ; les autres, véritables plans en relief représentant le paradis, l’enfer, Jérusalem, Rome, etc., beaucoup trop petites pour contenir les nombreux personnages qui devaient paraître tour à tour, et placées avec des écriteaux au milieu de ces compartiments mêmes, pour indiquer le lieu de la scène[1]. » Dans un mystère joué à Metz en 1437, l’enfer fut représenté par la gueule d’un dragon qui avait de gros yeux d’acier, et c’était par cette gueule qu’entraient et sortaient les diables. À Bourges, en 1536, il était figuré par un rocher sur lequel

  1. Voir dans le Moyen Âge et la Renaissance notre travail sur le Théâtre. — On trouvera dans l’Histoire du Berry, de M. Raynal, t. III, p. 313 et suiv., une très-curieuse description du mystère joué à Bourges en 1536.