Jugez s’il aura lieu de souffrir ma présence :
Son intérêt détruit me laisse à ma naissance ;
C’est fait de sa tendresse ; et quelque sentiment
Où pour ma fourbe alors pût être mon amant,
Voudra-t-il avouer pour épouse une fille
Qu’il verra sans appui de biens et de famille ?
Je trouve que c’est là raisonné comme il faut ;
Mais ces réflexions devoient venir plus tôt.
Qui vous a jusqu’ici caché cette lumière ?
Il ne falloit pas être une grande sorcière
Pour voir, dès le moment de vos desseins pour lui,
Tout ce que votre esprit ne voit que d’aujourd’hui :
L’action le disoit, et dès que je l’ai sue,
Je n’en ai prévu guère une meilleure issue.
Que dois-je faire enfin ? Mon trouble est sans pareil.
Mettez-vous en ma place, et me donnez conseil.
Ce doit être à vous-même, en prenant votre place,
À me donner conseil dessus cette disgrâce ;
Car je suis maintenant vous, et vous êtes moi.
Conseillez-moi, Frosine : au point où je me voi,
Quel remède treuver ? Dites, je vous en prie.
Hélas ! Ne traitez point ceci de raillerie ;
C’est prendre peu de part à mes cuisants ennuis
Que de rire et de voir les termes où j’en suis.
Non vraiment, tout de bon, votre ennui m’est sensible,
Et pour vous en tirer je ferois mon possible ;
Mais que puis-je, après tout ? Je vois fort peu de jour
À tourner cette affaire au gré de votre amour.
Si rien ne peut m’aider, il faut donc que je meure.
Ha ! Pour cela toujours il est assez bonne heure :
La mort est un remède à trouver quand on veut,
Et l’on s’en doit servir le plus tard que l’on peut.