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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/272

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Non, non, Frosine, non ; si vos conseils propices
Ne conduisent mon sort parmi ces précipices,
Je m’abandonne toute aux traits du désespoir.

Frosine

Savez-vous ma pensée ? Il faut que j’aille voir
La… Mais Éraste vient, qui pourroit nous distraire.
Nous pourrons en marchant parler de cette affaire :
Allons, retirons-nous.




Scène IV, 2



Éraste

Encore rebuté ?

Gros-René

Jamais ambassadeur ne fut moins écouté :
À peine ai-je voulu lui porter la nouvelle
Du moment d’entretien que vous souhaitiez d’elle,
Qu’elle m’a répondu, tenant son quant-à-moi :
« Va, va, je fais état de lui comme de toi ;
Dis-lui qu’il se promène » ; et sur ce beau langage,
Pour suivre son chemin m’a tourné le visage ;
Et Marinette aussi, d’un dédaigneux museau
Lâchant un « laisse-nous, beau valet de carreau, »
M’a planté là comme elle : et mon sort et le vôtre
N’ont rien à se pouvoir reprocher l’un à l’autre.

Éraste

L’ingrate ! Recevoir avec tant de fierté
Le prompt retour d’un cœur justement emporté !
Quoi ? Le premier transport d’un amour qu’on abuse
Sous tant de vraisemblance est indigne d’excuse ?
Et ma plus vive ardeur, en ce moment fatal,
Devoit être insensible au bonheur d’un rival ?
Tout autre n’eût pas fait même chose en ma place,
Et se fût moins laissé surprendre à tant d’audace ?
De mes justes soupçons suis-je sorti trop tard ?
Je n’ai point attendu de serments de sa part ;
Et lorsque tout le monde encor ne sait qu’en croire,
Ce cœur impatient lui rend toute sa gloire,
Il cherche à s’excuser ; et le sien voit si peu
Dans ce profond respect la grandeur de mon feu !