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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/276

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il n’importe, et puisque votre haine
Chasse un cœur tant de fois que l’amour vous ramène,
C’est la dernière ici des importunités
Que vous aurez jamais de mes vœux rebutés.


Lucile

Vous pouvez faire aux miens la grâce toute entière,
Monsieur, et m’épargner encor cette dernière.


Éraste

Hé bien, madame, hé bien, ils seront satisfaits !
Je romps avecque vous, et j’y romps pour jamais,
Puisque vous le voulez : que je perde la vie
Lorsque de vous parler je reprendrai l’envie !


Lucile

Tant mieux, c’est m’obliger.


Éraste

Non, non, n’ayez pas peur
Que je fausse parole : eussé-je un foible cœur
Jusques à n’en pouvoir effacer votre image,
Croyez que vous n’aurez jamais cet avantage
De me voir revenir.


Lucile

Ce seroit bien en vain.


Éraste

Moi-même de cent coups je percerois mon sein,
Si j’avois jamais fait cette bassesse insigne,
De vous revoir après ce traitement indigne.


Lucile

Soit, n’en parlons donc plus.


Éraste

Oui, oui, n’en parlons plus ;
Et pour trancher ici tous propos superflus,
Et vous donner, ingrate, une preuve certaine
Que je veux, sans retour, sortir de votre chaîne,
Je ne veux rien garder qui puisse retracer
Ce que de mon esprit il me faut effacer.
Voici votre portrait : il présente à la vue
Cent charmes merveilleux dont vous êtes pourvue ;
Mais il cache sous eux cent défauts aussi grands,
Et c’est un imposteur enfin que je vous rends.


Gros-René

Bon.


Lucile