Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/288

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De la femme d’Albert la dernière grossesse
N’accoucha que de vous ; et que lui dessous main
Ayant depuis longtemps concerté son dessein,
Fit son fils de celui d’Ignès la bouquetière,
Qui vous donna pour sienne à nourrir à ma mère.
La mort ayant ravi ce petit innocent
Quelque dix mois après, Albert étant absent,
La crainte d’un époux et l’amour maternelle
Firent l’événement d’une ruse nouvelle :
Sa femme en secret lors se rendit son vrai sang ;
Vous devîntes celui qui tenoit votre rang,
Et la mort de ce fils mis dans votre famille
Se couvrit pour Albert de celle de sa fille.
Voilà de votre sort un mystère éclairci
Que votre feinte mère a caché jusqu’ici ;
Elle en dit des raisons, et peut en avoir d’autres,
Par qui ses intérêts n’étoient pas tous les vôtres.
Enfin cette visite, où j’espérois si peu,
Plus qu’on ne pouvoit croire a servi votre feu.
Cette Ignès vous relâche ; et par votre autre affaire
L’éclat de son secret devenu nécessaire,
Nous en avons nous deux votre père informé ;
Un billet de sa femme a le tout confirmé ;
Et poussant plus avant encore notre pointe,
Quelque peu de fortune à notre adresse jointe,
Aux intérêts d’Albert de Polydore après
Nous avons ajusté si bien les intérêts,
Si doucement à lui déplié ces mystères,
Pour n’effaroucher pas d’abord trop les affaires,
Enfin, pour dire tout, mené si prudemment
Son esprit pas à pas à l’accommodement,
Qu’autant que votre père il montre de tendresse
À confirmer les nœuds qui font votre allégresse.

Ascagne

Ha ! Frosine, la joie où vous m’acheminez…
Et que ne dois-je point à vos soins fortunés !

Frosine

Au reste, le bonhomme est en humeur de rire,
Et pour son fils encor nous défend de rien dire.