LES PRÉCIEUSES RIDICULES,
NOTICE.
On sait que dans les premières années du règne de Louis XIII, une femme aimable et spirituelle, Catherine de Vivonne, épouse du marquis de Rambouillet, ouvrit dans son hôtel, à Paris, un cercle qui fut assidûment fréquenté par les femmes de la noblesse, les gens de cour et les gens de lettres. Ce cercle, semi-mondain, semi-littéraire, qui devait exercer sur la société et le langage du dix-septième siècle une si grande influence, compta successivement ou tour à tour parmi ses hôtes les plus assidus, Voiture, Balzac, Segrais, la Rochefoucauld, Condé, Corneille, Pascal, Bossuet, Cotin et Chapelain, c’est-à-dire des hommes d’esprit, des hommes de génie, de beaux esprits et quelques sots. Par malheur, encouragés par la réserve de ceux qui leur étaient supérieurs, les beaux esprits prirent le haut pas, donnèrent le ton, et exercèrent autour d’eux la dictature du pédantisme. Les femmes, toujours trop promptes à se laisser séduire par l’afféterie, rivalisèrent avec les hommes ; et de ridicule en ridicule, tous, hommes ou femmes, en arrivèrent bientôt à vouloir réformer, en les raffinant, les sentiments et le langage.
« Ils laissoient au vulgaire, dit la Bruyère, l’art de parler d’une manière intelligible. Une chose dite entre eux peu clairement en entraînoit une autre encore plus obscure, sur laquelle on enchérissoit par de vraies énigmes, toujours suivies de longs applaudissements. Par tout ce qu’ils appeloient délicatesse, sentiments, et finesse d’expression, ils étoient enfin parvenus à n’être plus entendus, et à ne s’entendre pas eux-mêmes. Il ne falloit, pour servir à ces entretiens, ni bon sens, ni mémoire, ni la moindre capacité ; il falloit de l’esprit, non pas du meilleur, mais de celui qui est faux, et où l’imagination a trop de part. »
Les femmes qui brillaient dans cette société si bien définie par la Bruyère, et qu’on désigna sous le nom de précieuses, donnèrent le ton à la cour, à la haute société parisienne, et à la