froideur ? Vous avois-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulois vous donner pour maris ?
Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé irrégulier de ces gens-là ?
Le moyen, mon oncle, qu’une fille un peu raisonnable se pût accommoder de leur personne ?
Et qu’y trouvez-vous à redire ?
La belle galanterie que la leur ! Quoi ! débuter d’abord par le mariage ?
Et par où veux-tu donc qu’ils débutent ? par le concubinage ? N’est-ce pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux aussi bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien sacré où ils aspirent, n’est-il pas un témoignage de l’honnêteté de leurs intentions ?
Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air des choses.
Je n’ai que faire ni d’air ni de chanson. Je te dis que le mariage est une chose sainte et sacrée, et que c’est faire en honnêtes gens que de débuter par là.
Mon Dieu ! que, si tout le monde vous ressembloit, un roman seroit bientôt fini ! La belle chose que ce seroit si d’abord Cyrus épousoit Mandane, et qu’Aronce de plain-pied fût marié à Clélie[1] !
Que me vient conter celle-ci ?
Mon père, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien que moi, que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures. Il faut qu’un amant, pour être agréable, sache
- ↑ Cyrus et Mandane, Clélie et Aronce, sont les principaux personnages d'Artamène et de Clélie, romans de mademoiselle de Scudéry