Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/309

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je me suis donné, ont une grâce dont il faut que vous demeuriez d’accord[1].

Gorgibus

Écoutez : il n’y a qu’un mot qui serve. Je n’entends point que vous ayez d’autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et marraines ; et pour ces Messieurs dont il est question, je connois leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les bras, et la garde de deux filles est une charge un peu trop pesante pour un homme de mon âge.

Cathos

Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c’est que je trouve le mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce qu’on peut souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu ?

Magdelon

Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de Paris, où nous ne faisons que d’arriver. Laissez-nous faire à loisir le tissu de notre roman, et n’en pressez point tant la conclusion.

Gorgibus, , à part.

Il n’en faut point douter, elles sont achevées.Haut. Encore un coup, je n’entends rien à toutes ces balivernes : je veux être maître absolu ; et pour trancher toutes sortes de discours, ou vous serez mariées toutes deux avant qu’il soit peu, ou, ma foi ! vous serez religieuses : j’en fais un bon serment[2].



Scène V

Cathos, Madelon
Cathos

Mon Dieu ! ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! que son intelligence est épaisse et qu’il fait sombre dans son âme !

Magdelon

Que veux-tu, ma chère ? j’en suis en confusion pour lui.

  1. C'est ainsi que Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, ne trouvant pas son nom assez noble, avoit balancé longtemps entre Carinthée, Éracinthe, et Arthénice, anagramme de Catherine, et qu'elle prit enfin le ferme, qui fut prononcé en chaire par Fléchier dans l'oraison funèbre de l'abesse d'Hyères, l'année même où l'on joua les Femmes savantes. (Petitot.)
  2. Tous les commentateurs ont signalé cette scène comme offrant l'idée première de la fameuse scène des Femmes savantes. L'analogue est incontestable en effet.