Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/314

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ou je veux caution bourgeoise[1] qu’ils ne me feront point de mal.

Magdelon

Ma chère, c’est le caractère enjoué.

Cathos

Je vois bien que c’est un Amilcar[2].

Magdelon

Ne craignez rien : nos yeux n’ont point de mauvais desseins, et votre cœur peut dormir en assurance sur leur prud’homie.

Cathos

Mais de grâce, Monsieur, ne soyez pas inexorable à ce fauteuil qui vous tend les bras il y a un quart d’heure ; contentez un peu l’envie qu’il a de vous embrasser.

Mascarille, après s’être peigné et avoir ajusté ses canons.

Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ?

Magdelon

Hélas ! qu’en pourrions-nous dire ? Il faudroit être l’antipode de la raison, pour ne pas confesser que Paris est le grand bureau des merveilles, le centre du bon goût, du bel esprit et de la galanterie.

Mascarille

Pour moi, je tiens que hors de Paris, il n’y a point de salut pour les honnêtes gens.

Cathos

C’est une vérité incontestable.

Mascarille

Il y fait un peu crotté ; mais nous avons la chaise[3].

Magdelon

Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les insultes de la boue et du mauvais temps.

  1. Caution bourgeoise, garantie suffisante, allusion à l'ancienne coutume de livrer en otage au vainqueur un certain nombre de principaux bourgeois. Eustache de Saint-Pierre faisoit partie de la caution bourgeoise fournie par la ville de Calais. (F. Génin.)
  2. Personnage du roman de Clélie. - Dans le langage des précieuses, on disoit être un Amilcar, pour être enjoué. (Voyez le Grand Dictionnaire des précieuses, ou la clef de la langue des ruelles. Paris, 1660, page 21.)
  3. La chaise a porteurs dont la mode avoit été apportée d'Angleterre sous le règne de Louis XIII, par le marquis de Montbrun.