Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/320

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Mascarille

Tout ce que je fais me vient naturellement, c’est sans étude.

Magdelon

La nature vous a traité en vraie mère passionnée, et vous en êtes l’enfant gâté.

Mascarille

À quoi donc passez-vous le temps, Mesdames ?

Cathos

À rien du tout.

Magdelon

Nous avons été jusqu’ici dans un jeûne effroyable de divertissements.

Mascarille

Je m’offre à vous mener l’un de ces jours à la comédie, si vous voulez ; aussi bien on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que nous voyions ensemble.

Magdelon

Cela n’est pas de refus.

Mascarille

Mais je vous demande d’applaudir comme il faut, quand nous serons là ; car je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l’auteur m’en est venu prier encore ce matin. C’est la coutume ici qu’à nous autres gens de condition les auteurs viennent lire leurs pièces nouvelles, pour nous engager à les trouver belles, et leur donner de la réputation : et je vous laisse à penser si, quand nous disons quelque chose, le parterre ose nous contredire ! Pour moi, j’y suis fort exact ; et quand j’ai promis à quelque poëte, je crie toujours : Voilà qui est beau ! devant que les chandelles soient allumées.

Magdelon

Ne m’en parlez point : c’est un admirable lieu que Paris ; il s’y passe cent choses tous les jours qu’on ignore dans les provinces, quelque spirituelle qu’on puisse être.

Cathos

C’est assez : puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir de nous écrier comme il faut sur tout ce qu’on dira.

Mascarille

Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d’avoir fait quelque comédie.