Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/344

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le baiser.
Ah ! j’en tiens.

Sa femme'
poursuit.

Ah ! j'en tiens. Avouons qu’on doit être ravie
Quand d’un homme ainsi fait on se peut voir servie,
Et que s’il en contait avec attention,
Le penchant serait grand à la tentation.
Ah ! que n’ai-je un mari d’une aussi bonne mine,
Au lieu de mon pelé, de mon rustre…

Sganarelle
, lui arrachant le portrait.

Au lieu de mon pelé, de mon rustre… Ah ! mâtine,
Nous vous y surprenons en faute contre nous,
Et diffamant l’honneur de votre cher époux :
Donc à votre calcul, ô ma trop digne femme !
Monsieur, tout bien compté, ne vaut pas bien Madame,
Et de par Belzébut qui vous puisse emporter
Quel plus rare parti pourriez-vous souhaiter :
Peut-on trouver en moi quelque chose à redire,
Cette taille, ce port, que tout le monde admire,
Ce visage si propre à donner de l’amour,
Pour qui mille beautés soupirent nuit et jour ;
Bref en tout et partout ma personne charmante,
N’est donc pas un morceau dont vous soyez contente :
Et pour rassasier votre appétit gourmand,
Il faut à son mari le ragoût d’un galant ?

Sa femme'

J’entends à demi-mot où va la raillerie,
Tu crois par ce moyen…

Sganarelle

Tu crois par ce moyen… À d’autres je vous prie,
La chose est avérée, et je tiens dans mes mains
Un bon certificat du mal dont je me plains.

Sa femme'

Mon courroux n’a déjà que trop de violence,
Sans le charger encor d’une nouvelle offense ;
Écoute, ne crois pas retenir mon bijou,
Et songe un peu…

Sganarelle

Et songe un peu… Je songe à te rompre le cou.