Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/343

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Et le peu que j’ai vu me la découvre toute.
Je ne m’étonne plus de l’étrange froideur
Dont je le vois répondre à ma pudique ardeur,
Il réserve, l’ingrat, ses caresses à d’autres,
Et nourrit leurs plaisirs par le jeûne des nôtres.
Voilà de nos maris, le procédé commun,
Ce qui leur est permis, leur devient importun,
Dans les commencements ce sont toutes merveilles
Ils témoignent pour nous des ardeurs non pareilles ;
Mais les traîtres bientôt se lassent de nos feux,
Et portent autre part ce qu’ils doivent chez eux.
Ah ! que j’ai de dépit, que la loi n’autorise
À changer de mari comme on fait de chemise :
Cela serait commode, et j’en sais telle ici
Qui comme moi ma foi le voudrait bien aussi.
(En ramassant le portrait que Célie avait laissé tomber.)
Mais quel est ce bijou que le sort me présente,
L’émail en est fort beau, la gravure charmante,
Ouvrons.



===Scène VI===

Sganarelle et sa femme.


Sganarelle

Ouvrons. On la croyait morte et ce n’était rien,
Il n’en faut plus qu’autant, elle se porte bien.
Mais j’aperçois ma femme.

Sa femme'

Mais j'aperçois ma femme. Ô Ciel ! c’est miniature,
Et voilà d’un bel homme une vive peinture.

Sganarelle
, à part, et regardant sur l’épaule de sa femme.

Que considère-t-elle avec attention,
Ce portrait mon honneur ne nous dit rien de bon,
D’un fort vilain soupçon je me sens l’âme émue.

Sa femme'
, sans l’apercevoir, continue.

Jamais rien de plus beau ne s’offrit à ma vue.
Le travail plus que l’or s’en doit encor priser.
Hon que cela sent bon.

Sganarelle
, à part.

Hon que cela sent bon. Quoi peste