Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Moquons-nous de cela, méprisons les alarmes,
Et mettons sous nos pieds les soupirs et les larmes,
Si ma femme a failli, qu’elle pleure bien fort ;
Mais pourquoi moi pleurer puisque je n’ai point tort :
En tout cas ce qui peut m’ôter ma fâcherie,
C’est que je ne suis pas seul de ma confrérie,
Voir cajoler sa femme et n’en témoigner rien
Se pratique aujourd’hui par force gens de bien :
N’allons donc point chercher à faire une querelle
Pour un affront qui n’est que pure bagatelle.
L’on m’appellera sot de ne me venger pas ;
Mais je le serais fort de courir au trépas.
(Mettant la main sur son estomac.)
Je me sens là, pourtant remuer une bile
Qui veut me conseiller quelque action virile :
Oui le courroux me prend, c’est trop être poltron,
Je veux résolûment me venger du larron :
Déjà pour commencer dans l’ardeur qui m’enflamme,
Je vais dire partout qu’il couche avec ma femme.




Scène XVIII



Gorgibus, Célie, la suivante.


Célie

Oui, je veux bien subir une si juste loi
Mon père, disposez de mes vœux et de moi,
Faites quand vous voudrez signer cet hyménée,
À suivre mon devoir je suis déterminée,
Je prétends gourmander mes propres sentiments
Et me soumettre en tout à vos commandements.

Gorgibus

Ah ! voilà qui me plaît de parler de la sorte,
Parbleu ! si grande joie à l’heure me transporte,
Que mes jambes sur l’heure en cabrioleraient
Si nous n’étions point vus de gens qui s’en riraient.
Approche-toi de moi, viens çà que je t’embrasse :
Une belle action n’a pas mauvaise grâce,
Un père, quand il veut peut sa fille baiser,
Sans que l’on ait sujet de s’en scandaliser.