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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/356

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Je ne suis point battant de peur d’être battu
Et l’humeur débonnaire est ma grande vertu.
Mais mon honneur me dit que d’une telle offense
Il faut absolument que je prenne vengeance.
Ma foi, laissons-le dire autant qu’il lui plaira,
Au diantre qui pourtant rien du tout en fera :
Quand j’aurai fait le brave, et qu’un fer pour ma peine
M’aura d’un vilain coup transpercé la bedaine,
Que par la ville ira le bruit de mon trépas,
Dites-moi mon honneur en serez-vous plus gras ?
La bière est un séjour par trop mélancolique
Et trop malsain pour ceux qui craignent la colique,
Et quant à moi je trouve, ayant tout compassé,
Qu’il vaut mieux être encor cocu que trépassé :
Quel mal cela fait-il ? La jambe en devient-elle
Plus tortue après tout, et la taille moins belle.
Peste soit qui premier trouva l’invention
De s’affliger l’esprit de cette vision,
Et d’attacher l’honneur de l’homme le plus sage
Aux choses que peut faire une femme volage ;
Puisqu’on tient à bon droit tout crime personnel
Que fait là notre honneur pour être criminel,
Des actions d’autrui l’on nous donne le blâme,
Si nos femmes sans nous ont un commerce infâme,
Il faut que tout le mal tombe sur notre dos,
Elles font la sottise, et nous sommes les sots,
C’est un vilain abus et les gens de police
Nous devraient bien régler une telle injustice.
N’avons-nous pas assez des autres accidents
Qui nous viennent happer en dépit de nos dents,
Les querelles, procès, faim, soif, et maladie,
Troublent-ils pas assez le repos de la vie
Sans s’aller de surcroît aviser sottement
De se faire un chagrin qui n’a nul fondement.