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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/369

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Il est vrai que j’ai lieu de chérir la nouvelle
Qui m’apprit que Dom Sylve était un infidèle ;
Puisque par ses ardeurs mon cœur tyrannisé
Contre elles à présent se voit autorisé,
Qu’il en peut justement combattre les hommages,
Et sans scrupule ailleurs donner tous ses suffrages.
Mais enfin quelle joie en peut prendre ce cœur
Si d’une autre contrainte il souffre la rigueur ?
Si d’un prince jaloux l’éternelle faiblesse
Reçoit indignement les soins de ma tendresse
Et semble préparer dans mon juste courroux
Un éclat à briser tout commerce entre nous ?

Élise
Mais si de votre bouche il n’a point su sa gloire,
Est-ce un crime pour lui que de n’oser la croire ?
Et ce qui d’un rival a pu flatter les feux
L’autorise-t-il pas à douter de vos vœux ?

Done Elvire
Non, non, de cette sombre et lâche jalousie
Rien ne peut excuser l’étrange frénésie ;
Et par mes actions je l’ai trop informé
Qu’il peut bien se flatter du bonheur d’être aimé.
Sans employer la langue, il est des interprètes
Qui parlent clairement des atteintes secrètes.
Un soupir, un regard, une simple rougeur,
Un silence est assez pour expliquer un cœur.
Tout parle dans l’amour, et sur cette matière
Le moindre jour doit être une grande lumière ;
Puisque chez notre sexe, où l’honneur est puissant,
On ne montre jamais tout ce que l’on ressent.
J’ai voulu, je l’avoue, ajuster ma conduite,
Et voir d’un œil égal l’un et l’autre mérite :
Mais que contre ses vœux on combat vainement,
Et que la différence est connue aisément,
De toutes ces faveurs qu’on fait avec étude
À celles où du cœur fait pencher l’habitude.
Dans les unes toujours on paraît se forcer ;
Mais les autres, hélas ! se font sans y penser,
Semblables à ces eaux, si pures et si belles,
Qui coulent sans effort des sources naturelles.