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DU THÉÂTRE EN FRANCE

il était réservé à Molière, à Corneille et à Quinault[1], d’enrichir notre littérature d’un poëme dramatique de beaucoup supérieur à ce qui avait été fait chez les autres peuples[2].

L’opéra français à l’origine fut classique comme la tragédie, ou plutôt il ne fut qu’une tragédie réduite à de moindres proportions, écrite en vers libres, et accompagnée de musique. Sous le rapport littéraire, il eut au dix-septième siècle une supériorité qu’il a toujours gardée depuis.

De nombreux écrivains dramatiques, Gabriel Gilbert, Pousset de Montauban, Brécourt, La Thuillerie, Dorimond, Ferrier de la Martinière, Chapuzeau, Montfleury, Donneau de Visé, se produisirent à côté de Racine et de Molière, à côté de Corneille après le Cid et Cinna ; quelques-uns rencontrèrent d’heureuses inspirations ; mais ils étaient trop loin des maîtres pour leur disputer la renommée, et dans le nombre il en est qui ne sont aujourd’hui connus que pour les avoir attaqués. Thomas Corneille et La Fontaine lui-même furent effacés par les grands hommes qui exerçaient sur la scène le triumvirat de leur génie.

V

Après Molière, ses successeurs, qui ne furent jamais ses rivaux, Régnard, Destouches, Lesage, Piron, Gresset, Sedaine, continuent avec talent la comédie de mœurs et de caractère ; mais en s’éloignant du maître, les véritables poëtes comiques deviennent de plus en plus rares. Marivaux gâte la comédie par la recherche, la prétention et l’afféterie ; La Chaussée,

  1. Quinault a composé trente-deux pièces, tragédies, tragi-comédies, comédies, opéras. Armide, qui fut jouée en 1686, est regardée comme son chef-d’œuvre. Sa comédie intitulée : les Rivales, eut un grand nombre de représentations. « Lorsqu’il fit ses premières pièces, dit Ménage, elles étaient tellement goûtées et si fort applaudies que l’on entendait le brouhaha a deux rues de l’hôtel de Bourgogne. C’est à l’occasion des Rivales que fut établi le droit de part des auteurs sur une portion de la recette des comédiens. Auparavant il était débattu avec les auteurs et une fois payé. »
  2. On a de Corneille Andromède, la Toison d’Or, et quelques passages magnifiques de Psyché, qui fut faite, on le sait, en collaboration avec Molière. Voir Hist. de l’Opéra, par Durey de Noinville, Paris, 1753-57, 2 vol. in-8o. — De l’Opéra en France, par Castil-Blaze, 1826, 2 vol. in-8o.