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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/38

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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

faiblesse, toujours combattue de remords, qui trouble si profondément notre cœur, et qui en arrache sous la forme de larmes l’aveu qu’il s’agit bien là de nous, et que ces personnages qui se débattent en vain contre la fatalité des passions, c’est nous-mêmes, ce sont ces éternels combats où nous sommes si souvent vaincus. »

Racine et Corneille, chacun dans son genre et avec des qualités différentes, mais toujours avec les qualités du génie, avaient porté le poëme tragique jusqu’aux dernières limites de l’art, et donné des rivaux à Sophocle, à Eschyle, à Shakspeare, à Lope de Vega. Molière dans la comédie se montra le maître d’Aristophane, de Plaute, de Térence, et de tous ceux qui dans les âges modernes ont traduit sur la scène comique les vices, les passions, les ridicules des hommes. Comme tous les écrivains de son temps, Molière commença par des imitations du Théâtre Italien ou plutôt des farces italiennes. Mais peu à peu son originalité profonde se dégagea, et il fit vivre dans ses pièces avec une réalité saisissante les hommes du dix-septième siècle et l’homme de tous les temps. La comédie de caractère et de mœurs, la haute comédie, c’est-à-dire celle qui réunit à la fois l’enseignement moral, la moquerie, la raison, la vérité, l’intérêt, la poésie ; la farce dans laquelle il épuisa la poétique du rire, le drame romantique, Molière a touché à tout, et dans tout il est resté supérieur à ce qui s’était fait avant lui, à ce qui s’est fait après lui. Ainsi, par Corneille, par Molière, par Racine, l’art au dix-septième siècle épuisa en quelque sorte l’idéal de l’héroïsme, l’idéal de la tendresse et de la passion, et la peinture du cœur humain dans ce qu’il y a de plus profond et de plus vrai.

Un genre nouveau depuis longtemps populaire en Italie, l’opéra, fut définitivement naturalisé en France en 1672 par la fondation de l’Académie Royale de Musique, qui devait, suivant les expressions mêmes de Louis XIV, compter parmi les plus beaux ornements de son règne. Mazarin, il est vrai, avait fait jouer en 1647, à Paris, dans le Palais-Royal l’Orfeo, de Monteverde. Quelques années plus tard, Perrin et l’organiste Cambert avaient donné une Pomone qui obtint un grand succès ; mais il n’y avait là rien de marquant, et