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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/390

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La haine que pour vous il se résout d’avoir,
Braver votre furie, et vous faire connaître
Qu’il n’a point été lâche, et ne veut jamais l’être.

Dom Garcie
Hé bien, je suis coupable et ne m’en défends pas,
Mais je demande grâce à vos divins appas ;
Je la demande au nom de la plus vive flamme
Dont jamais deux beaux yeux aient fait brûler une âme.
Que si votre courroux ne peut être apaisé,
Si mon crime est trop grand pour se voir excusé,
Si vous ne regardez ni l’amour qui le cause
Ni le vif repentir que mon cœur vous expose,
Il faut qu’un coup heureux, en me faisant mourir,
M’arrache à des tourments que je ne puis souffrir.
Non, ne présumez pas qu’ayant su vous déplaire,
Je puisse vivre une heure avec votre colère.
Déjà de ce moment la barbare longueur
Sous ses cuisants remords fait succomber mon cœur,
Et de mille vautours les blessures cruelles
N’ont rien de comparable à ses douleurs mortelles ;
Madame, vous n’avez qu’à me le déclarer,
S’il n’est point de pardon que je doive espérer,
Cette épée aussitôt, par un coup favorable
Va percer à vos yeux le cœur d’un misérable ;
Ce cœur, ce traître cœur, dont les perplexités
Ont si fort outragé vos extrêmes bontés ;
Trop heureux en mourant, si ce coup légitime
Efface en votre esprit l’image de mon crime,
Et ne laisse aucuns traits de votre aversion
Au faible souvenir de mon affection.
C’est l’unique faveur que demande ma flamme.

Done Elvire
Ha ! Prince trop cruel.

Dom Garcie
Ha ! Prince trop cruel. Dites, parlez, Madame.

Done Elvire
Faut-il encor pour vous conserver des bontés,
Et vous voir m’outrager par tant d’indignités ?

Dom Garcie
Un cœur ne peut jamais outrager quand il aime,
Et ce que fait l’amour il l’excuse lui-même.

Done Elvire