Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/397

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Pour avoir mérité cette effroyable chute ?

Done Elvire
Ne me demandez rien avant que regarder
Ce qu’à mes sentiments vous devez demander ;
Et sur cette froideur qui semble vous confondre,
Répondez-vous, Seigneur, ce que je puis répondre ;
Car enfin tous vos soins ne sauraient ignorer
Quels secrets de votre âme on m’a su déclarer,
Et je la crois, cette âme, et trop noble, et trop haute,
Pour vouloir m’obliger à commettre une faute ;
Vous-même, dites-vous, s’il est de l’équité,
De me voir couronner une infidélité.
Si vous pouviez m’offrir, sans beaucoup d’injustice
Un cœur à d’autres yeux offert en sacrifice,
Vous plaindre avec raison, et blâmer mes refus,
Lorsqu’ils veulent d’un crime affranchir vos vertus.
Oui, Seigneur, c’est un crime, et les premières flammes,
Ont des droits si sacrés sur les illustres âmes,
Qu’il faut perdre grandeurs, et renoncer au jour,
Plutôt que de pencher vers un second amour.
J’ai pour vous cette ardeur que peut prendre l’estime
Pour un courage haut, pour un cœur magnanime ;
Mais n’exigez de moi que ce que je vous dois,
Et soutenez l’honneur de votre premier choix.
Malgré vos feux nouveaux, voyez quelle tendresse
Vous conserve le cœur de l’aimable comtesse ;
Ce que pour un ingrat, (car vous l’êtes Seigneur,)
Elle a d’un choix constant refusé de bonheur.
Quel mépris généreux dans son ardeur extrême,
Elle a fait de l’éclat que donne un diadème ;
Voyez combien d’efforts pour vous elle a bravés,
Et rendez à son cœur ce que vous lui devez.

Dom Sylve
Ah ! Madame, à mes yeux n’offrez point son mérite,
Il n’est que trop présent à l’ingrat qui la quitte ;
Et si mon cœur vous dit ce que pour elle il sent,
J’ai peur qu’il ne soit pas envers vous innocent.
Oui, ce cœur l’ose plaindre, et ne suit pas sans peine
L’impérieux effort de l’amour qui l’entraîne,