Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/398

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Aucun espoir pour vous n’a flatté mes désirs,
Qui ne m’ait arraché pour elle des soupirs ;
Qui n’ait dans ses douceurs fait jeter à mon âme,
Quelques tristes regards vers sa première flamme,
Se reprocher l’effet de vos divins attraits,
Et mêler des remords à mes plus chers souhaits.
J’ai fait plus que cela, puisqu’il vous faut tout dire :
Oui, j’ai voulu sur moi vous ôter votre empire,
Sortir de votre chaîne, et rejeter mon cœur
Sous le joug innocent de son premier vainqueur.
Mais après mes efforts ma constance abattue,
Voit un cours nécessaire à ce mal qui me tue ;
Et dût être mon sort à jamais malheureux,
Je ne puis renoncer à l’espoir de mes vœux ;
Je ne saurais souffrir l’épouvantable idée
De vous voir par un autre à mes yeux possédée ;
Et le flambeau du jour qui m’offre vos appas
Doit avant cet hymen éclairer mon trépas.
Je sais que je trahis une princesse aimable,
Mais, Madame, après tout, mon cœur est-il coupable ?
Et le fort ascendant que prend votre beauté
Laisse-t-il aux esprits aucune liberté ?
Hélas ! je suis ici bien plus à plaindre qu’elle,
Son cœur, en me perdant, ne perd qu’un infidèle.
D’un pareil déplaisir on se peut consoler ;
Mais moi par un malheur qui ne peut s’égaler,
J’ai celui de quitter une aimable personne,
Et tous les maux encor que mon amour me donne.

Done Elvire
Vous n’avez que les maux que vous voulez avoir,
Et toujours notre cœur est en notre pouvoir ;
Il peut bien quelquefois montrer quelque faiblesse,
Mais enfin, sur nos sens, la raison, la maîtresse…


Scène 3

Dom Garcie, Done Elvire, Dom Sylve.

Dom Garcie
Madame, mon abord, comme je connais bien,
Assez mal à propos trouble votre entretien ;
Et mes pas en ce lieu, s’il faut que je le die,