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L’ÉCOLE DES MARIS,

COMÉDIE EN TROIS ACTES.
1661.


NOTICE.


« Il est, dit M. Nisard, deux sources principales où Molière puisa pour toutes ses pièces : sa vie d’abord, par laquelle il toucha à presque toutes les situations et il eut un peu de tous les caractères, et sa science, qui le mit en possession de tout ce qui s’était fait avant lui dans son art. — On reconnaissait Molière, même de son temps, dans Ariste, de l’École des Maris. Ariste… qui doit épouser comme lui une fille de seize ans, comme lui tendre et indulgent… On donnait la pièce en 1660. L’année suivante, Armande Béjart devait être sa femme… un an après, il mettait dans la bouche de la Climène des Fâcheux une vigoureuse apologie du jaloux, défendant ainsi son propre penchant… il se servait du rôle d’Elmire, dans Tartufe, pour toucher sa femme par le spectacle d’une femme d’honneur qui défend sa vertu contre la séduction… Selon une expression du temps, Molière transportait tout son domestique dans la vérité de toutes ces scènes. Molière ne nous donne pas seulement le fond de son cœur ; il y fait un choix dans ses illusions et dans ses souffrances. Boileau l’a caractérisé par un mot profond : il l’appelait le contemplateur. Quand Molière composait ses pièces, le contemplateur observait et contenait l’homme, et quoique l’ardeur de ses soucis domestiques le portât comme involontairement à créer des scènes et des situations où il pût les répandre pour s’en soulager, la ressemblance n’allait pas jusqu’à la copie, et ces peintures de son propre cœur respirent plutôt la sérénité d’un retour sur soi-même que l’amertume des souffrances présentes. »

Nous avons cru devoir reproduire ici cette judicieuse et piquante appréciation, parce qu’en même temps qu’elle explique, pour quelques-unes des pièces qui vont suivre, plusieurs caractères et de nombreuses situations, elle constate aussi ce qu’on pourrait appeler l’avénement de la personnalité de Molière sans son propre théâtre