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À MONSEIGNEUR LE DUC D’ORLÉANS.

quelques mots de blâme ; et ce blâme porte sur la partie qui a trait à l’éducation des femmes. « La morale, dit Geoffroy, était fort relâchée dans le temps où la pièce parut. Il n’y a qu’à lire le livre de Fénelon sur l’éducation des filles, pour voir ce que ce prélat pensait des divertissements que Molière recommande pour l’éducation des demoiselles. L’instituteur comédien ne devait pas avoir la même méthode qu’un pieux archevêque… il faut en conclure que Molière n’a pas eu sur cet article important la sévérité nécessaire, et que les bals, les fêtes et les spectacles ne sont pas la meilleure école pour une jeune personne. Cette même comédie est au niveau de nos mœurs actuelles… aujourd’hui les jeunes filles vont au bal et à la comédie de très-bonne heure ; elles y sont conduites par leurs mères… Molière semble avoir deviné le changement qui devait s’opérer dans nos idées… il l’a préparé et pour ainsi dire appelé dans ses comédies. »


À MONSEIGNEUR

LE DUC D’ORLÉANS,

frère unique du roi.


Monseigneur,

Je fais voir ici à la France des choses bien peu proportionnées. Il n’est rien de si grand et de si superbe que le nom que je mets à la tête de ce livre, et rien de plus bas que ce qu’il contient. Tout le monde trouvera cet assemblage étrange ; et quelques-uns pourront bien dire, pour en exprimer l’inégalité, que c’est poser une couronne de perles et de diamants sur une statue de terre, et faire entrer par des portiques magnifiques et des arcs triomphaux superbes dans une méchante cabane. Mais, Monseigneur, ce qui doit me servir d’excuse, c’est qu’en cette aventure je n’ai eu aucun choix à faire, et que l’honneur que j’ai d’être à Votre Altesse Royale[1] m’a imposé une nécessité absolue de lui dédier le premier ouvrage que je mets de moi-même au jour[2]. Ce n’est pas un présent que je lui fais, c’est un devoir dont je m’acquitte ; et les hommages ne sont jamais re-

  1. Molière étoit chef de la troupe de Monsieur.
  2. Molière ne fit imprimer les Précieuses que parce qu’on lui avoit dérobé une copie de cet ouvrage. Le Cocu imaginaire avoit été publié par Neufvillareine, et ses autres pièces n’étoient point encore imprimées.