Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/436

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Sur elles, par contrat, nous sut, dès leur enfance,
Et de père et d’époux donner pleine puissance.
D’élever celle-là vous prîtes le souci,
Et moi, je me chargeai du soin de celle-ci ;
Selon vos volontés vous gouvernez la vôtre :
Laissez-moi, je vous prie, à mon gré régir l’autre.

Ariste
Il me semble…

Sganarelle
Il me semble, et je le dis tout haut,
Que sur un tel sujet c’est parler comme il faut.
Vous souffrez que la vôtre aille leste et pimpante :
Je le veux bien ; qu’elle ait et laquais et suivante :
J’y consens ; qu’elle coure, aime l’oisiveté,
Et soit des damoiseaux fleurée en liberté :
J’en suis fort satisfait. Mais j’entends que la mienne
Vive à ma fantaisie, et non pas à la sienne ;
Que d’une serge honnête elle ait son vêtement,
Et ne porte le noir qu’aux bons jours seulement ;
Qu’enfermée au logis, en personne bien sage,
Elle s’applique toute aux choses du ménage,
À recoudre mon linge aux heures de loisir,
Ou bien à tricoter quelque bas par plaisir ;
Qu’aux discours des muguets elle ferme l’oreille,
Et ne sorte jamais sans avoir qui la veille.
Enfin la chair est foible, et j’entends tous les bruits.
Je ne veux point porter de cornes, si je puis ;
Et comme à m’épouser sa fortune l’appelle,
Je prétends corps pour corps pouvoir répondre d’elle.

Isabelle
Vous n’avez pas sujet, que je crois…

Sganarelle
Taisez-vous.
Je vous apprendrai bien s’il faut sortir sans nous.

Léonor
Quoi donc, monsieur… ?

Sganarelle