Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/437

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Mon Dieu, madame, sans langage,
Je ne vous parle pas, car vous êtes trop sage.

Léonor
Voyez-vous Isabelle avec nous à regret ?

Sganarelle
Oui, vous me la gâtez, puisqu’il faut parler net.
Vos visites ici ne font que me déplaire,
Et vous m’obligerez de ne nous en plus faire.

Léonor
Voulez-vous que mon coeur vous parle net aussi ?
J’ignore de quel oeil elle voit tout ceci ;
Mais je sais ce qu’en moi ferait la défiance ;
Et quoiqu’un même sang nous ait donné naissance,
Nous sommes bien peu soeurs s’il faut que chaque jour
Vos manières d’agir lui donnent de l’amour.

Lisette
En effet, tous ces soins sont des choses infâmes.
Sommes-nous chez les Turcs pour renfermer les femmes ?
Car on dit qu’on les tient esclaves en ce lieu,
Et que c’est pour cela qu’ils sont maudits de Dieu.
Notre honneur est, monsieur, bien sujet à foiblesse,
S’il faut qu’il ait besoin qu’on le garde sans cesse.
Pensez-vous, après tout, que ces précautions
Servent de quelque obstacle à nos intentions,
Et quand nous nous mettons quelque chose à la tête,
Que l’homme le plus fin ne soit pas une bête ?
Toutes ces gardes-là sont visions de fous :
Le plus sûr est, ma foi, de se fier en nous.
Qui nous gêne se met en un péril extrême,
Et toujours notre honneur veut se garder lui-même.
C’est nous inspirer presque un desir de pécher,
Que montrer tant de soins de nous en empêcher ;