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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/450

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Qui vous a dit que j’ai pour elle l’âme atteinte ?

Sganarelle
Des gens à qui l’on peut donner quelque crédit.

Valère
Mais encore ?

Sganarelle
Elle-même.

Valère
Elle ?

Sganarelle
Elle. Est-ce assez dit ?
Comme une fille honnête, et qui m’aime d’enfance,
Elle vient de m’en faire entière confidence ;
Et de plus m’a chargé de vous donner avis
Que depuis que par vous tous ses pas sont suivis,
Son coeur, qu’avec excès votre poursuite outrage,
N’a que trop de vos yeux entendu le langage,
Que vos secrets desirs lui sont assez connus,
Et que c’est vous donner des soucis superflus
De vouloir davantage expliquer une flamme
Qui choque l’amitié que me garde son âme.

Valère
C’est elle, dites-vous, qui de sa part vous fait… ?

Sganarelle
Oui, vous venir donner cet avis franc et net,
Et qu’ayant vu l’ardeur dont votre âme est blessée,
Elle vous eût plus tôt fait savoir sa pensée,
Si son coeur avait eu, dans son émotion,
À qui pouvoir donner cette commission ;
Mais qu’enfin les douleurs d’une contrainte extrême
L’ont réduite à vouloir se servir de moi-même,
Pour vous rendre averti, comme je vous ai dit,
Qu’à tout autre que moi son coeur est interdit,
Que vous avez assez joué de la prunelle,
Et que, si vous avez tant soit peu de cervelle,
Vous prendrez d’autres soins. Adieu jusqu’au revoir.
Voilà ce que j’avais à vous faire savoir.

Valère