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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/472

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Allez, mon frère aîné, cela vous sied fort bien ;
Et je ne voudrais pas pour vingt bonnes pistoles
Que vous n’eussiez ce fruit de vos maximes folles.
On voit ce qu’en deux soeurs nos leçons ont produit :
L’une fuit ce galant, et l’autre le poursuit.

Ariste
Si vous ne me rendez cette énigme plus claire…

Sganarelle
L’énigme est que son bal est chez monsieur Valère ;
Que de nuit je l’ai vue y conduire ses pas,
Et qu’à l’heure présente elle est entre ses bras.

Ariste
Qui ?

Sganarelle
Léonor.

Ariste
Cessons de railler, je vous prie.

Sganarelle
Je raille ?… Il est fort bon avec sa raillerie !
Pauvre esprit, je vous dis, et vous redis encor
Que Valère chez lui tient votre Léonor,
Et qu’ils s’étaient promis une foi mutuelle
Avant qu’il eût songé de poursuivre Isabelle.

Ariste
Ce discours d’apparence est si fort dépourvu…

Sganarelle
Il ne le croira pas encore en l’ayant vu.
J’enrage. Par ma foi, l’âge ne sert de guère
Quand on n’a pas cela.

Ariste
Quoi ? Vous voulez, mon frère… ?

Sganarelle
Mon Dieu, je ne veux rien. Suivez-moi seulement :
Votre esprit tout à l’heure aura contentement ;
Vous verrez si j’impose, et si leur foi donnée
N’avait pas joint leurs coeurs depuis plus d’une année.

Ariste
L’apparence qu’ainsi, sans m’en faire avertir,
À cet engagement elle eût pu consentir,