Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/488

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M’a conté ses exploits, ses vertus non communes,
Parlé de ses chevaux, de ses bonnes fortunes,
Et de ce qu’à la cour il avoit de faveur,
Disant qu’à m’y servir il s’offroit de grand cœur.
Je le remerciois doucement de la tête,
Minutant à tous coups quelque retraite honnête  ;
Mais lui, pour le quitter me voyant ébranlé  :
« Sortons, ce m’a-t-il dit, le monde est écoulé  ;  »
Et sortis de ce lieu, me la donnant plus sèche  :
« Marquis, allons au cours faire voir ma galèche  ;
Elle est bien entendue, et plus d’un duc et pair
En fait à mon faiseur faire une du même air. »
Moi de lui rendre grâce, et pour mieux m’en défendre,
De dire que j’avois certain repas à rendre.
« Ah  ! Parbleu  ! J’en veux être, étant de tes amis,
Et manque au maréchal, à qui j’avois promis.
--de la chère, ai-je fait, la dose est trop peu forte,
Pour oser y prier des gens de votre sorte.
--non, m’a-t-il répondu, je suis sans compliment,
Et j’y vais pour causer avec toi seulement  ;
Je suis des grands repas fatigué, je te jure.
--mais si l’on vous attend, ai-je dit, c’est injure...
--tu te moques, marquis  : nous nous connoissons tous,
Et je trouve avec toi des passe-temps plus doux. "
Je pestois contre moi, l’âme triste et confuse
Du funeste succès qu’avoit eu mon excuse,
Et ne savois à quoi je devois recourir
Pour sortir d’une peine à me faire mourir,
Lorsqu’un carrosse fait de superbe manière,
Et comblé de laquais et devant et derrière,
S’est avec un grand bruit devant nous arrêté,
D’où sautant un jeune homme amplement ajusté,
Mon importun et lui courant à l’embrassade
Ont surpris les passants de leur brusque incartade  ;
Et tandis que tous deux étoient précipités