Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/503

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antage.
Enfin, ce grand débat qui s’allume entre nous,
Est de savoir s’il faut qu’un amant soit jaloux.
Climène..
Ou, pour mieux expliquer ma pensée et la vôtre,
Lequel doit plaire plus d’un jaloux ou d’un autre.


Orante.
Pour moi, sans contredit, je suis pour le dernier.
Climène..
Et dans mon sentiment, je tiens pour le premier.
Orante.
Je crois que notre cœur doit donner son suffrage
À qui fait éclater du respect davantage.
Climène..
Et moi, que si nos vœux doivent paroître au jour,
C’est pour celui qui fait éclater plus d’amour.
Orante.
Oui  ; mais on voit l’ardeur dont une âme est saisie
Bien mieux dans le respect que dans la jalousie.
Climène..
Et c’est mon sentiment, que qui s’attache à nous
Nous aime d’autant plus qu’il se montre jaloux.


Orante.
Fi  ! Ne me parlez point, pour être amants, Clymène,
De ces gens dont l’amour est fait comme la haine,
Et qui, pour tous respects et toute offre de vœux,
Ne s’appliquent jamais qu’à se rendre fâcheux  ;
Dont l’âme, que sans cesse un noir transport anime,
Des moindres actions cherche à nous faire un crime,
En soumet l’innocence à son aveuglement,
Et veut sur un coup d’oeil un éclaircissement  ;
Qui, de quelque chagrin nous voyant l’apparence,
Se plaignent aussitôt qu’il naît de leur présence,
Et lorsque dans nos yeux brille un peu d’enjoûment,
Veulent que leurs rivaux en soient le fondement  ;
Enfin, qui prenant droit des fureurs de leur zèle,
Ne vous parlent jamais que pour faire querelle,
Osent défendre à tous l’approche de nos cœurs,
Et se font les tyrans de leurs propres vainqueurs.
Moi, je veux des amants que le respect inspire,
Et leur soumission marque mieux notre empire.
C