Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/507

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Et mes chiens après lui, mais si bien en haleine,
Qu’on les auroit couverts tous d’un seul justaucorps.
Il vient à la forêt. Nous lui donnons alors
La vieille meute  ; et moi, je prends en diligence
Mon cheval alezan. Tu l’as vu  ?
Éraste.
Non, je pense.
Dorante.
Comment  ? C’est un cheval aussi bon qu’il est beau,
Et que ces jours passés j’achetai de Gaveau.
Je te laisse à penser si sur cette matière
Il voudroit me tromper, lui qui me considère  :
Aussi je m’en contente  ; et jamais, en effet,
Il n’a vendu cheval ni meilleur ni mieux fait  :
Une tête de barbe, avec l’étoile nette  ;
L’encolure d’un cygne, effilée et bien droite  ;
Point d’épaules non plus qu’un lièvre  ; court-jointé,
Et qui fait dans son port voir sa vivacité  ;


Des pieds, morbleu  ! Des pieds  ! Le rein double (à vrai dire,
J’ai trouvé le moyen, moi seul, de le réduire  ;
Et sur lui, quoique aux yeux il montrât beau semblant,
Petit-Jean de Gaveau ne montoit qu’en tremblant),
Une croupe en largeur à nulle autre pareille,
Et des gigots, Dieu sait  ! Bref, c’est une merveille  ;
Et j’en ai refusé cent pistoles, crois-moi,
Au retour d’un cheval amené pour le roi.
Je monte donc dessus, et ma joie étoit pleine
De voir filer de loin les coupeurs dans la plaine  ;
Je pousse, et je me trouve en un fort à l’écart.
À la queue de nos chiens, moi seul avec Drécar.


Une heure là dedans notre cerf se fait battre.
J’appuie alors mes chiens, et fais le diable à quatre ;
Enfin jamais chasseur ne se vit plus joyeux.
Je le relance seul, et tout alloit des mieux,
Lorsque d’un jeune cerf s’accompagne le nôtre :
Une part de mes chiens se sépare de l’autre ;