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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

installée, et l’on n’y avait oublié ni les boules de bois qui servaient aux enfants, ni la paire de verges avec lesquelles on les fouettait[1]. »

Un inventaire dressé au mois de janvier 1633, huit mois après la mort de Marie Cressé[2], nous montre la famille de Molière jouissant d’une grande aisance. Les quatre mille quatre cents livres qui formaient la dot en 1621 ont rapidement fructifié ; la boutique est garnie de bonnes marchandises ; les appartements sont meublés avec luxe ; les bagues et joyaux de Marie Cressé pourraient faire bonne figure dans l’écrin des plus nobles dames. L’enfant élevé au milieu de ce confortable bourgeois en conservera le souvenir. Il aimera les installations élégantes ; et en écrivant les Femmes savantes, il se rappellera le gros Plutarque de la maison des Cygnes, où son père mettait peut-être ses rabats, et qu’il devait garder toute sa vie, comme tous ceux qui ont le respect des morts gardent les vieux meubles et les vieux livres.

Si l’on en croit quelques biographes, le père de Molière, homme dur et borné, aurait tout fait pour étouffer l’intelligence naissante de son fils ; il ne lui permettait pas de regarder hors de sa boutique, il ne voulait pas qu’il apprit autre chose qu’à lire, écrire et compter. Par bonheur pour la gloire de la France, l’aïeul paternel Jean Poquelin, qui aimait le théâtre, aurait conduit souvent son petit-fils à l’hôtel de Bourgogne. Ce serait là que se serait éveillé son génie. Ce roman de la vocation de notre poète ne manque pas d’intérêt, mais il ne repose sur aucun document précis, et ce qui concerne l’aïeul paternel est complètement controuvé, attendu que le digne homme était mort en 1626, que Jean-Baptiste alors n’avait que quatre ans, et qu’un en-

  1. Recherches, 16, 17.
  2. Cet inventaire existe à Paris dans l’étude de Me Thomas. Il est reproduit par M. Soulié, p. 130 et suiv.