De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.
Une femme stupide est donc votre marotte ?
Tant que j’aimerois mieux une laide bien sotte
Qu’une femme fort belle avec beaucoup d’esprit[1].
L’esprit et la beauté…
L’honnêteté suffit.
Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête
Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ?
Outre qu’il est assez ennuyeux, que je croi,
D’avoir toute sa vie une bête avec soi,
Pensez-vous le bien prendre, et que sur votre idée
La sûreté d’un front puisse être bien fondée ?
Une femme d’esprit peut trahir son devoir ;
Mais il faut, pour le moins, qu’elle ose le vouloir ;
Et la stupide au sien peut manquer d’ordinaire,
Sans en avoir l’envie et sans penser le faire[2].
À ce bel argument, à ce discours profond,
Ce que Pantagruel à Panurge répond :
Pressez-moi de me joindre à femme autre que sotte,
Prêchez, patrocinez[3] jusqu’à la Pentecôte ;
Vous serez ébahi, quand vous serez au bout,
Que vous ne m’aurez rien persuadé du tout.
Je ne vous dis plus mot.
- ↑ La dispute qui s’établit entre Chrysalde et Arnolphe, est empruntée à une nouvelle de Scarron, la Précaution inutile. « J’aimerois mieux, dit un des personnages, une femme laide fort sotte, qu’une belle qui ne le seroit pas. »
- ↑ On lit encore dans la Précaution inutile : « Je n’ai jamais vu d’homme raisonnable qui ne s’ennuie cruellement s’il est seulement un quart d’heure avec une idiote. Comment une sotte sera-t-elle honnête femme ? Si elle ne sait ce que c’est que l’honnêteté, et n’est pas même capable de l’apprendre, elle manquera à son devoir, sans savoir ce qu’elle fait ; au lieu qu’une femme d’esprit, quand même elle se défieroit de sa vertu, saura éviter les occasions où elle sera en danger de la perdre. »
- ↑ Patrociner, du latin patrocinari, plaider, faire l’avocat ; en style populaire, avocasser.