Aller au contenu

Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/647

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et n’auriez pas entrepris en huit jours ce que vous avez fait.

Molière

Le moyen de m’en défendre, quand un roi me l’a commandé ?

Mademoiselle Béjart

Le moyen ? Une respectueuse excuse fondée sur l’impossibilité de la chose, dans le peu de temps qu’on vous donne ; et tout autre, en votre place, ménagerait mieux sa réputation, et se serait bien gardé de se commettre comme vous faites. Où en serez-vous, je vous prie, si l’affaire réussit mal ? et quel avantage pensez-vous qu’en prendront tous vos ennemis ?

Mademoiselle de Brie

En effet ; il fallait s’excuser avec respect envers le Roi, ou demander du temps davantage.

Molière

Mon Dieu, Mademoiselle, les rois n’aiment rien tant qu’une prompte obéissance, et ne se plaisent point du tout à trouver des obstacles. Les choses ne sont bonnes que dans le temps qu’ils les souhaitent ; et leur en vouloir reculer le divertissement, est en ôter pour eux toute la grâce. Ils veulent des plaisirs qui ne se fassent point attendre ; et les moins préparés leur sont toujours les plus agréables. Nous ne devons jamais nous regarder dans ce qu’ils désirent de nous : nous ne sommes que pour leur plaire ; et lorsqu’ils nous ordonnent quelque chose, c’est à nous à profiter vite de l’envie où ils sont. Il vaut mieux s’acquitter mal de ce qu’ils nous demandent, que de ne s’en acquitter pas assez tôt ; et si l’on a la honte de n’avoir pas bien réussi, on a toujours la gloire d’avoir obéi vite à leurs commandements. Mais songeons à répéter, s’il vous plaît.

Mademoiselle Béjart

Comment prétendez-vous que nous fassions, si nous ne savons pas nos rôles ?

Molière

Vous les saurez, vous dis-je ; et quand même vous ne les sauriez pas tout à fait, pouvez-vous pas y suppléer de votre esprit, puisque c’est de la prose, et que vous savez votre sujet ?

Mademoiselle Béjart