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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/648

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Je suis votre servante : la prose est pis encore que les vers.

Mademoiselle Molière

Voulez-vous que je vous dise ? vous deviez faire une comédie où vous auriez joué tout seul.

Molière

Taisez-vous, ma femme, vous êtes une bête.

Mademoiselle Molière

Grand merci, Monsieur mon mari. Voilà ce que c’est : le mariage change bien les gens, et vous ne m’auriez pas dit cela il y a dix-huit mois.

Molière

Taisez-vous, je vous prie.

Mademoiselle Molière

C’est une chose étrange qu’une petite cérémonie soit capable de nous ôter toutes nos belles qualités, et qu’un mari et un galant regardent la même personne avec des yeux si différents.

Molière

Que de discours !

Mademoiselle Molière

Ma foi, si je faisais une comédie, je la ferais sur ce sujet. Je justifierais les femmes de bien des choses dont on les accuse ; et je ferais craindre aux maris la différence qu’il y a de leurs manières brusques aux civilités des galants.

Molière

Ahy ! laissons cela. Il n’est pas question de causer maintenant : nous avons autre chose à faire.

Mademoiselle Béjart

Mais puisqu’on vous a commandé de travailler sur le sujet de la critique qu’on a faite contre vous, que n’avez-vous fait cette comédie des comédiens, dont vous nous avez parlé il y a longtemps ? C’était une affaire toute trouvée et qui venait fort bien à la chose, et d’autant mieux, qu’ayant entrepris de vous peindre, ils vous ouvraient l’occasion de les peindre aussi, et que cela aurait pu s’appeler leur portrait, à bien plus juste titre que tout ce qu’ils ont fait ne peut être appelé le vôtre.