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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/65

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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

Les premières pièces composées à Paris obtinrent un grand succès ; Sganarelle fut donné quarante fois de suite. En 1660, le 20 octobre, Molière et ses comédiens jouèrent au Louvre devant le roi et devant Mazarin[1], alors malade, dans la chambre même du cardinal. Les acteurs reçurent en présent une somme de mille écus ; et, quand le théâtre du Petit-Bourbon fut démoli, au moment où commencèrent les travaux de la colonnade du Louvre, ils obtinrent de passer au théâtre du Palais-Royal.

La mort de Mazarin, arrivée le 9 mars 1661, avait remis aux mains de Louis XIV la royauté absolue. « Ce fut, dit M. Bazin, dans les premiers temps qui suivirent cette prise de possession que se manifesta, de la part du prince pour le poëte, quelque chose de plus qu’une protection dédaigneuse et frivole, un certain mouvement d’affection intelligente, prompt comme la sympathie et durable autant que l’égoïsme. Du moment où ces deux hommes, placés à de telles distances dans l’ordre social, l’un roi hors de tutelle, l’autre bouffon émérite et moraliste encore bien timide, se furent regardés et compris, il s’établit entre eux une sorte d’association tacite, qui permettait à celui-ci de tout oser, qui lui promettait assurance et garantie, sous la seule condition de respecter et d’amuser toujours celui-là. Nous devons ajouter que jamais traité public, où la foi du monarque aurait été solennellement engagée, ne fut exécuté plus sincèrement ; qu’en aucun temps, dans aucune circonstance, la sauvegarde donnée à l’écrivain contre tous les ressentiments qu’il pourrait provoquer ne parut se retirer de lui. C’est se moquer de nous, comme les historiens le font trop souvent, que de met-

  1. Mazarin a toujours été favorable à l’art dramatique. La plupart des historiens modernes se sont montrés fort satisfaits de ce protectorat, mais ils auraient dû se souvenir que le cardinal, en encourageant le théâtre, avait surtout en vue de distraire les Parisiens des lourds impôts qu’il leur faisait payer.