Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/691

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Sganarelle

Eh ! non. Je…

Pancrace

Si la fin nous peut émouvoir par son être réel, ou par son être intentionnel ?

Sganarelle

Non, non, non, non, non, de par tous les diables, non.

Pancrace

Expliquez donc votre pensée, car je ne puis pas la deviner.

Sganarelle

Je vous la veux expliquer aussi ; mais il faut m’écouter. (Pendant que Sganarelle dit : ) L’affaire que j’ai à vous dire, c’est que j’ai envie de me marier avec une fille qui est jeune et belle. Je l’aime fort, et l’ai demandée à son père ; mais comme j’appréhende…

Pancrace, (dit en même temps, sans écouter Sganarelle : )

La parole a été donnée à l’homme pour expliquer sa pensée ; et tout ainsi que les pensées sont les portraits des choses, de même nos paroles sont-elles les portraits de nos pensées. (Sganarelle, impatienté, ferme la bouche du docteur avec sa main à plusieurs reprises, et le docteur continue de parler d’abord que Sganarelle ôte sa main.)

Mais ces portraits diffèrent des autres portraits en ce que les autres portraits sont distingués partout de leurs originaux, et que la parole enferme en soi son original, puisqu’elle n’est autre chose que la pensée expliquée par un signe extérieur ; d’où vient que ceux qui pensent bien sont aussi ceux qui parlent le mieux. Expliquez-moi donc votre pensée par la parole, qui est le plus intelligible de tous les signes.

Sganarelle, (pousse le docteur dans sa maison, et tire la porte pour l’empêcher de sortir.)

Peste de l’homme !

Pancrace, (au dedans de sa maison.)

Oui, la parole est animi index et speculum. C’est le tru-