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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

« Ses affaires, longtemps florissantes, dit M. Édouard Fournier, avaient cessé de l’être. Il s’était retiré chez son gendre, André Boudet, dans sa maison des Petits-Piliers, en face du pilori, et il y combattait de son mieux la mauvaise fortune.

« Molière, pour lui venir en aide, lui avait donné la pratique du théâtre et lui payait grassement ses mémoires. Ce n’était pas assez, il vit bien sans qu’on le lui dît que l’argent manquait dans la maison des Petits-Piliers. En offrira-t-il à son père ? ce serait pour être refusé, car M. Poquelin a jadis trop maudit le théâtre pour vouloir d’un argent dont ce serait la source. Molière fait mieux. Il envoie chez son père un de ses meilleurs amis, Rohault, le savant, que M. Poquelin et Boudet son gendre connaissaient sans doute. Rohault, à qui il a fait la leçon, demande si l’on ne pourrait pas lui enseigner quelque bonne hypothèque pour une somme de dix mille livres qu’il voudrait placer. Le père Poquelin offre sa maison encore franche d’hypothèque, Rohault accepte et le service est rendu. »

Deux ans après, il prête 4,000 livres à Lulli ; il prête avec la certitude de n’être point payé 800 fr. à la Calprenède, qui mourait de faim ; il donne 100 livres au curé de sa paroisse pour les pauvres, il donne aux petits employés du théâtre en même temps qu’aux capucins. Le bruit de ses largesses s’était répandu parmi les ordres mendiants, et les cordeliers, qui ne le traitaient pas comme leur archevêque en excommunié, lui adressèrent ainsi qu’à ses acteurs l’humble supplique que voici :

« Chers frères, les pères cordeliers vous supplient très-humblement d’avoir la bonté de les mettre au nombre des pauvres religieux à qui vous faites la charité. Il n’y a point de communauté à Paris qui en ait un plus grand besoin, eu égard à leur nombre et à l’extrême pauvreté de leur maison. L’honneur qu’ils ont d’être voisins leur fait espérer que vous leur accorderez