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J.-B. POQUELIN DE MOLIÈRE.

sont pas des plus souples avec vous, sentiront mieux votre supériorité. — Ah ! monsieur, répondit Molière que me dites-vous là ? Il y a un honneur pour moi à ne point quitter. »

À part quelques pamphlets obscurs, inspirés par l’envie et justement flétris par le mépris public, tout ce qui se rapporte au caractère du poëte l’honore et le fait aimer. « Il possédait, dit Perrault, les qualités qui font l’honnête homme ; il était généreux et bon ami, civil et honorable en toutes ses actions, modeste à recevoir les éloges qu’on lui donnait, savant sans le vouloir paraître, et d’une conversation si douce et si aisée, que les premiers de la cour et de la ville étaient ravis de l’entretenir. » Grimarest vante, comme Perrault, l’inviolable droiture de son cœur, sa fidélité en amitié, son obligeance inépuisable. « Plus les temps s’éloigneront, dit-il après les plus pompeux éloges, plus on travaillera, plus aussi on reconnaîtra que j’ai atteint la vérité, et qu’il ne m’a manqué que de l’habileté pour la rendre. » Ceci était écrit en 1705, et tout ce que nous avons appris depuis cent cinquante ans a confirmé ce témoignage.

Deux acteurs de la troupe de Molière, la Thorilliére et Lagrange, ont tenu registre des faits qui pouvaient intéresser leur association. Ces registres sont arrivés jusqu’à nous, et l’on y trouve à tout instant le témoignage de l’inépuisable bienfaisance et de la charité vraiment chrétienne du grand homme auquel un prélat, déshonoré par le scandale de ses mœurs, accordait à regret un coin de terre dans le champ de repos des suicidés. Quelques lignes de ces gens de théâtre en disent plus pour l’honneur de sa mémoire que les phrases splendides de Bossuet pour l’honneur des morts officiels qu’il célébrait devant le roi. Le Contemplateur ouvre son cœur et sa bourse à toutes les misères qu’il rencontre sur son chemin, et sa générosité s’exerce tout à la fois sur sa famille, ses camarades et ceux qui lui sont le plus étrangers. En 1668, son père n’était pas riche.