Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croit qu’en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.

Don Juan

Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?

Le Pauvre

De prier le ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose.

Don Juan

Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ?

Le Pauvre

Hélas ! monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.

Don Juan

Tu te moques : un homme qui prie le ciel tout le jour ne peut pas manquer d’être bien dans ses affaires.

Le Pauvre

Je vous assure, monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents.

Don Juan

Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah ! ah ! je m’en vais te donner un louis d’or tout à l’heure, pourvu que tu veuilles jurer.

Le Pauvre

Ah ! monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché ?

Don Juan

Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louis d’or, ou non ; en voici un que je te donne, si tu jures. Tiens. Il faut jurer.

Le Pauvre

Monsieur !

Don Juan

À moins de cela, tu ne l’auras pas.

Sganarelle

Va, va, jure un peu ; il n’y a pas de mal.

Don Juan

Prends, le voilà, prends, te dis-je ; mais jure donc.

Le Pauvre

Non, monsieur, j’aime mieux mourir de faim.